Le 4 avril 1792, l'Assemblée nationale décida d'accorder la pleine citoyenneté à tous les libres de couleur75.
Plus exactement, ce jour-là le roi sanctionna — comme la constitution
de 1791 le voulait — les décrets législatif du 24 mars et gouvernemental
du 28 mars 1792. Clavière et un certain Roland avaient été nommés
ministres par le roi au début du mois et persuadèrent Louis XVI de
valider sans délai la décision de l'assemblée législative : ce fut « la
loi du 4 avril 1792 ». Deux commissaires jacobins, proches de la
Gironde, Léger-Félicité Sonthonax et Etienne Polverel furent nommés par
Brissot — élu député en septembre 1791 — pour faire appliquer le décret
dans la colonie. Le premier avait publié entre septembre 1790 et juin
1791 dans le périodique hebdomadaire les Révolutions de Paris
(les articles étaient anonymes mais Brissot nous apprend l'identité de
l'auteur dans ses mémoires écrits en prison en octobre 1793) « des
articles très énergiques en faveur des hommes de couleur » et même
contre l'esclavage des Noirs. Le second avait fait radier Barnave du
club des Jacobins le 25 septembre 1791 et avait participé aux côtés de
Clavière, l'abbé Grégoire, Condorcet et Lanthenas à un jury jacobin
chargé de couronner le meilleur almanach constitutionnel et populaire. L'almanach du Père Gérard
de Jean-Marie Collot d'Herbois qui fut sélectionné condamnait
l'esclavage des Noirs. Ils s'embarquèrent en juillet pour
Saint-Domingue. Le 16 pluviôse an II (4 février 1794), la Convention abolit l'esclavageN 17 en avalisant et généralisant la décision unilatérale du commissaire de la Convention au nord et à l'ouest de Saint-Domingue, Léger-Félicité Sonthonax,
prise le 29 août 1793, suivie de l'envoi à Paris de six élus et de
trois suppléants. Au Sud de Saint-Domingue, elle fut décrétée par Étienne Polverel
le 21 septembre 1793, sans qu'à la date du 16 pluviôse an II, la
Convention ne soit au courant, faute d'avoir reçu de députés de cette
partie de la colonie. Il y eut ici donc conjonction entre les deux
décisions, locale et nationale. Aucun député de cette partie méridionale
de la grande colonie ne fut jamais élu pour participer aux débats de la
Convention et des assemblées directoriales.
Cette abolition, certes dictée par un humanisme hérité des Lumières, avait aussi comme objet de ramener le calme à Saint-Domingue dans un contexte de pression militaire britannique sur les possessions françaises des Caraïbes77. Les esclaves affranchis disposèrent dès lors de la citoyenneté française77. Cependant, cette abolition fut également appliquée dans d'autres possessions françaises : aux Antilles, seules la Martinique et Tobago que les Anglais contrôlaient alors, ne connurent absolument pas la suppression de l'esclavage et la volonté de la métropole de faire appliquer l'émancipation aux Mascareignes se heurta au refus des représentants de locaux de recevoir les commissaires du Directoire venus dans cette perspective en janvier 179677. Sinon outre les deux entités de Saint Domingue, l'abolition de l'esclavage et de la traite s'appliqua réellement qu'en Guadeloupe, sous la houlette de Victor Hugues78, en GuyaneN 18 et à Saint-Lucie pendant l'année (1795-1796) au cours de laquelle la France réussit à prendre le contrôle de cette colonie. Il n'en reste pas moins que
la ratification du décret de Sonthonax entraîna l'envoi en métropole de nouveaux députés de couleur à la Convention accueillis et écoutés chaleureusement par Camboulas, René Levasseur, Danton, Jean-François Delacroix, l'abbé Grégoire comme à la Commune par le porte-parole des sans-culottes, Chaumette qui prononça en leur présence un très long discours abolitionniste le 30 pluviôse an II (18 février 1794) au Temple de la RaisonN 19. D'autres fêtes de l'abolition de l'esclavage, qui ont fait l'objet ces vingt dernières années de multiples travaux82, furent organisées en province jusqu'en juillet 1794 souvent sous l'égide de représentants en mission : Bordeaux (Tallien), Lyon (Fouché, Meaulles, Laporte), Châlons-sur-Marne (Adam Pfiegler), Brest (Prieur de la Marne), Rouen-Le Havre (Claude Siblot), Provins-Montereaux (Nicolas Maure), Vitry-le-François (Jean-Claude Battelier), Bourg-en-Bresse (Antoine Albitte). Cette dernière fête fut la plus spectaculaire, car, au nom de l'unité du genre humain, on y vit des femmes blanches et noires échanger quelque temps leurs bébés pour allaitement. Parallèlement, à peu près jusqu'au 9 thermidor an II, des centaines d'adresses en provenance de sociétés populaires provinciales parvinrent à la Convention, la félicitant du vote de ce décret émancipateur. Si après thermidor an II, la lecture d'adresses et l'annonce de fêtes furent annulées, l'abolition ne fut pas mise en cause. Au contraire dans la constitution du 5 fructidor an III, (22 août 1795) qui sanctionne le principe de la république des propriétaires et supprime le suffrage universel masculin, sous l'autorité de Boissy d'Anglas (ancien député de la Plaine), le décret du 16 pluviôse an II est validé dans ses articles 6 et 7 par le principe de la départementalisation des colonies. À l'assemblée constituante en mai 1791 Boissy d'Anglas avait voté et écrit en faveur de la cause des hommes de couleur libres et exprimé dans une perspective d'avenir des convictions antiesclavagistes. Il faut à ce sujet noter que le mouvement antiesclavagiste révolutionnaire et militant ne s'est pas limité à la Société des Amis des Noirs. Le Cercle Social, né en 1790, en la personne de l'abbé Fauchet était très marqué par la philosophie abolitionniste. Sonthonax qui écrivit — nous l'avons vu — des articles abolitionnistes dans les Révolutions de Paris jusqu'en juin 1791 — ne l'était pas. Il fut relayé par Chaumette, ancien mousse, témoin à ce titre des forfaits de l'esclavage et de la traite (août 1791-juin 1792 puis un article en février 1794). Le 4 juin 1793 il se présenta à la Convention avec une pétition demandant l'abolition de l'esclavage. Olympe de Gouges, surtout connue pour son combat en faveur des droits de la femme, s'est beaucoup plus tôt engagée dans cette cause, par une pièce de théâtre écrite en 1789 (mais publiée en mars 1792 quelques mois après l'élection de Pétion à la mairie de Paris) Zamor et Mirza. À l'assemblée constituante le 11 mai 1791, un député du Vermondois, Vieffville des Essarts, présente un projet d'abolition assez proche de ceux proposés par les Amis des Noirs. L'assemblée l'écarte prudemment des débats, mais le fait publier. Le 18 mai c'est Marat qui en présente un dans l'Ami du Peuple. Contrairement à une idée reçue, Robespierre, qui s'écria le 13 mai 1791 « Périssent les colonies » pour rejeter la constitutionnalisation de l'esclavage proposée avec succès par Barère ne fut jamais membre de cette société. À l'assemblée législative, début décembre 1791, le député des Bouches-du-Rhône, Mathieu Blanc-Gilli prend le relais de Vieffiville des Essarts en proposant à son tour un plan d'abolition de l'esclavage. Dans ses mémoires écrits vers 1830 l'ancien Conventionnel montagnard de la Sarthe, René Levasseur, qui le premier proposa le 16 pluviôse an II l'extension de l'abolition à toutes les colonies, explique que dix ans avant la Révolution, il fut déshérité par son père pour avoir dénoncé la traite des Noirs. Dans la presse il faut enfin compter avec le journaliste Claude Milscent (1740-1794), créole ancien propriétaire d'esclaves, rédacteur jacobin du Créole Patriote qui de septembre 1792 à mars 1794 publia régulièrement des articles sur le sujet, participa à la campagne de juin 1793 auprès de Chaumette et salua avec enthousiasme le décret du 4 février 1794 : original le 5 février 1794 il rendit compte exclusivement de sa réception chaleureuse au club des Jacobins.
En Guadeloupe, en mai 1802, une partie des soldats noirs se rebella. L'insurrection fut écrasée. On estime que près de 4 000 personnes furent tuées entre mai et décembre 1802, dont un millier de soldats réguliers83. L'esclavage fut progressivement rétabli. Le 17 juillet 1802, Richepance publia un arrêté qui refusait aux gens de couleur de porter le titre de citoyens84, qui replaçait les cultivateurs dans une servitude complète et qui supprimait les salaires aux cultivateurs85. En revanche, l'arrêté consulaire du 16 juillet 1802 n'a jamais été publié86. Le rétablissement légal de l'esclavage fut publié le 14 mai 1803. Le 26 mai 1803, la Guadeloupe revint dès lors au régime antérieur à 178987.
En Guyane, Victor Hugues rétablit l'esclavage par le règlement général du 25 avril 1803.
Cependant, malgré la dictature, le mouvement abolitionniste ne fut pas complètement réduit au silence : ainsi grâce à Fouché, sans doute, devenu ministre de l'intérieur, l'abbé Grégoire pu écrire et publier en 1808 un livre égalitaire : de la littérature des Nègres.
Napoléon Ier, de retour de l'île d'Elbe lors des Cent-Jours, décrèta l'abolition de la traite négrière pour se concilier la Grande-Bretagne88. Sa décision fut confirmée par le traité de Paris le 20 novembre 1815 et par une ordonnance de Louis XVIII le 8 janvier 181788. Mais la traite de contrebande se poursuivit malgré les sanctions prévues. Dans les années 1830, le Ministère de la Marine et des colonies tente de remettre à jour le Code noir de 1685 pour l'adapter aux conditions de l'époque73.
Cette abolition, certes dictée par un humanisme hérité des Lumières, avait aussi comme objet de ramener le calme à Saint-Domingue dans un contexte de pression militaire britannique sur les possessions françaises des Caraïbes77. Les esclaves affranchis disposèrent dès lors de la citoyenneté française77. Cependant, cette abolition fut également appliquée dans d'autres possessions françaises : aux Antilles, seules la Martinique et Tobago que les Anglais contrôlaient alors, ne connurent absolument pas la suppression de l'esclavage et la volonté de la métropole de faire appliquer l'émancipation aux Mascareignes se heurta au refus des représentants de locaux de recevoir les commissaires du Directoire venus dans cette perspective en janvier 179677. Sinon outre les deux entités de Saint Domingue, l'abolition de l'esclavage et de la traite s'appliqua réellement qu'en Guadeloupe, sous la houlette de Victor Hugues78, en GuyaneN 18 et à Saint-Lucie pendant l'année (1795-1796) au cours de laquelle la France réussit à prendre le contrôle de cette colonie. Il n'en reste pas moins que
la ratification du décret de Sonthonax entraîna l'envoi en métropole de nouveaux députés de couleur à la Convention accueillis et écoutés chaleureusement par Camboulas, René Levasseur, Danton, Jean-François Delacroix, l'abbé Grégoire comme à la Commune par le porte-parole des sans-culottes, Chaumette qui prononça en leur présence un très long discours abolitionniste le 30 pluviôse an II (18 février 1794) au Temple de la RaisonN 19. D'autres fêtes de l'abolition de l'esclavage, qui ont fait l'objet ces vingt dernières années de multiples travaux82, furent organisées en province jusqu'en juillet 1794 souvent sous l'égide de représentants en mission : Bordeaux (Tallien), Lyon (Fouché, Meaulles, Laporte), Châlons-sur-Marne (Adam Pfiegler), Brest (Prieur de la Marne), Rouen-Le Havre (Claude Siblot), Provins-Montereaux (Nicolas Maure), Vitry-le-François (Jean-Claude Battelier), Bourg-en-Bresse (Antoine Albitte). Cette dernière fête fut la plus spectaculaire, car, au nom de l'unité du genre humain, on y vit des femmes blanches et noires échanger quelque temps leurs bébés pour allaitement. Parallèlement, à peu près jusqu'au 9 thermidor an II, des centaines d'adresses en provenance de sociétés populaires provinciales parvinrent à la Convention, la félicitant du vote de ce décret émancipateur. Si après thermidor an II, la lecture d'adresses et l'annonce de fêtes furent annulées, l'abolition ne fut pas mise en cause. Au contraire dans la constitution du 5 fructidor an III, (22 août 1795) qui sanctionne le principe de la république des propriétaires et supprime le suffrage universel masculin, sous l'autorité de Boissy d'Anglas (ancien député de la Plaine), le décret du 16 pluviôse an II est validé dans ses articles 6 et 7 par le principe de la départementalisation des colonies. À l'assemblée constituante en mai 1791 Boissy d'Anglas avait voté et écrit en faveur de la cause des hommes de couleur libres et exprimé dans une perspective d'avenir des convictions antiesclavagistes. Il faut à ce sujet noter que le mouvement antiesclavagiste révolutionnaire et militant ne s'est pas limité à la Société des Amis des Noirs. Le Cercle Social, né en 1790, en la personne de l'abbé Fauchet était très marqué par la philosophie abolitionniste. Sonthonax qui écrivit — nous l'avons vu — des articles abolitionnistes dans les Révolutions de Paris jusqu'en juin 1791 — ne l'était pas. Il fut relayé par Chaumette, ancien mousse, témoin à ce titre des forfaits de l'esclavage et de la traite (août 1791-juin 1792 puis un article en février 1794). Le 4 juin 1793 il se présenta à la Convention avec une pétition demandant l'abolition de l'esclavage. Olympe de Gouges, surtout connue pour son combat en faveur des droits de la femme, s'est beaucoup plus tôt engagée dans cette cause, par une pièce de théâtre écrite en 1789 (mais publiée en mars 1792 quelques mois après l'élection de Pétion à la mairie de Paris) Zamor et Mirza. À l'assemblée constituante le 11 mai 1791, un député du Vermondois, Vieffville des Essarts, présente un projet d'abolition assez proche de ceux proposés par les Amis des Noirs. L'assemblée l'écarte prudemment des débats, mais le fait publier. Le 18 mai c'est Marat qui en présente un dans l'Ami du Peuple. Contrairement à une idée reçue, Robespierre, qui s'écria le 13 mai 1791 « Périssent les colonies » pour rejeter la constitutionnalisation de l'esclavage proposée avec succès par Barère ne fut jamais membre de cette société. À l'assemblée législative, début décembre 1791, le député des Bouches-du-Rhône, Mathieu Blanc-Gilli prend le relais de Vieffiville des Essarts en proposant à son tour un plan d'abolition de l'esclavage. Dans ses mémoires écrits vers 1830 l'ancien Conventionnel montagnard de la Sarthe, René Levasseur, qui le premier proposa le 16 pluviôse an II l'extension de l'abolition à toutes les colonies, explique que dix ans avant la Révolution, il fut déshérité par son père pour avoir dénoncé la traite des Noirs. Dans la presse il faut enfin compter avec le journaliste Claude Milscent (1740-1794), créole ancien propriétaire d'esclaves, rédacteur jacobin du Créole Patriote qui de septembre 1792 à mars 1794 publia régulièrement des articles sur le sujet, participa à la campagne de juin 1793 auprès de Chaumette et salua avec enthousiasme le décret du 4 février 1794 : original le 5 février 1794 il rendit compte exclusivement de sa réception chaleureuse au club des Jacobins.
Le rétablissement napoléonien
Par la loi du 20 mai 1802, Napoléon Bonaparte rétablit l'esclavage dans les territoires restitués à la suite du traité d’Amiens, traité qui, en restaurant la paix, rétablit en outre la sécurité du commerce maritime et permit aux négriers français de recommencer leurs expéditions pour quelques mois, avant que la reprise des hostilités en 1803 et l'établissement du blocus continental n'entraîne à nouveau leur repli jusqu'à la Restauration78. La loi de 1802, si elle ne prévoyait pas le rétablissement de l'esclavage dans toutes les colonies françaises, laissait à travers son article IV toute latitude au gouvernement pour légiférer en faveur de son rétablissement général.En Guadeloupe, en mai 1802, une partie des soldats noirs se rebella. L'insurrection fut écrasée. On estime que près de 4 000 personnes furent tuées entre mai et décembre 1802, dont un millier de soldats réguliers83. L'esclavage fut progressivement rétabli. Le 17 juillet 1802, Richepance publia un arrêté qui refusait aux gens de couleur de porter le titre de citoyens84, qui replaçait les cultivateurs dans une servitude complète et qui supprimait les salaires aux cultivateurs85. En revanche, l'arrêté consulaire du 16 juillet 1802 n'a jamais été publié86. Le rétablissement légal de l'esclavage fut publié le 14 mai 1803. Le 26 mai 1803, la Guadeloupe revint dès lors au régime antérieur à 178987.
En Guyane, Victor Hugues rétablit l'esclavage par le règlement général du 25 avril 1803.
Cependant, malgré la dictature, le mouvement abolitionniste ne fut pas complètement réduit au silence : ainsi grâce à Fouché, sans doute, devenu ministre de l'intérieur, l'abbé Grégoire pu écrire et publier en 1808 un livre égalitaire : de la littérature des Nègres.
Napoléon Ier, de retour de l'île d'Elbe lors des Cent-Jours, décrèta l'abolition de la traite négrière pour se concilier la Grande-Bretagne88. Sa décision fut confirmée par le traité de Paris le 20 novembre 1815 et par une ordonnance de Louis XVIII le 8 janvier 181788. Mais la traite de contrebande se poursuivit malgré les sanctions prévues. Dans les années 1830, le Ministère de la Marine et des colonies tente de remettre à jour le Code noir de 1685 pour l'adapter aux conditions de l'époque73.
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