En 1935, en compagnie de Bernard Charbonneau,
Ellul note que ce qui caractérise en premier lieu la société moderne,
c'est une tendance à la « concentration » : concentration de la
production (dont les modèles sont l'usine et le travail parcellisé), concentration de l'État (via son administration), de la population (dans les zones urbaines) et concentration du capital25. Cette concentration est clairement illustrée dans le phénomène urbain, qui fait dépendre toute la vie de l'homme de la ville, et le labeur du paysan devient un travail au service de la ville, comme l'exprime Charbonneau : « Il
fallait donc transformer la campagne, ou plutôt la liquider, sans cela
elle eût freiné l'expansion. Le Plan [d'aménagement du territoire]
prévoyait donc le passage d'une agriculture de subsistance à une
agriculture de marché qui intégrait le paysan dans le cycle de l'argent
et de la machine. Il fallait que l'agriculture se mécanise et qu'elle
consomme de plus en plus de produits chimiques... »26, à l'image de l'urbain.
En soi, ce constat n'est pas original. Ce qui l'est, en revanche, c'est son interprétation : « le moyen de réalisation de la concentration est la technique, non pas (en tant que) procédé industriel mais procédé général ». Par cette formule très « générale », les deux jeunes penseurs entendent démontrer que la technique, au XXe siècle, dépasse largement le cadre strict du machinisme 27 et qu'il est désormais intégré dans les consciences. Ils jettent ainsi les prémices de l'histoire des mentalités. Une petite phrase illustre bien leur approche : « dans l'État capitaliste, l'homme est moins opprimé par les puissances financières que par un idéal bourgeois de confort, de sécurité et d'assurance. [...] C'est cet idéal qui donne leur importance aux puissances financières ».
En 1973, Ellul explique en détail ce processus. L'homme ne pouvant s'empêcher de sacraliser son environnement, ce n'est plus la nature qu'il sacralise mais ce par quoi il a désacralisé, profané et même pollué celle-ci : la technique. Et les conséquences de ce « transfert » ne sont pas seulement environnementales, elles sont aussi psychologiques et se traduisent par des comportements de dépendance à l'égard de la technique (que l'on qualifiera plus tard d'addiction). Et cela d'autant plus que, se considérant comme « adulte » par rapport aux périodes du passé32, il refuse d'admettre qu'il sacralise quoi que ce soit33.
En soi, ce constat n'est pas original. Ce qui l'est, en revanche, c'est son interprétation : « le moyen de réalisation de la concentration est la technique, non pas (en tant que) procédé industriel mais procédé général ». Par cette formule très « générale », les deux jeunes penseurs entendent démontrer que la technique, au XXe siècle, dépasse largement le cadre strict du machinisme 27 et qu'il est désormais intégré dans les consciences. Ils jettent ainsi les prémices de l'histoire des mentalités. Une petite phrase illustre bien leur approche : « dans l'État capitaliste, l'homme est moins opprimé par les puissances financières que par un idéal bourgeois de confort, de sécurité et d'assurance. [...] C'est cet idéal qui donne leur importance aux puissances financières ».
En 1973, Ellul explique en détail ce processus. L'homme ne pouvant s'empêcher de sacraliser son environnement, ce n'est plus la nature qu'il sacralise mais ce par quoi il a désacralisé, profané et même pollué celle-ci : la technique. Et les conséquences de ce « transfert » ne sont pas seulement environnementales, elles sont aussi psychologiques et se traduisent par des comportements de dépendance à l'égard de la technique (que l'on qualifiera plus tard d'addiction). Et cela d'autant plus que, se considérant comme « adulte » par rapport aux périodes du passé32, il refuse d'admettre qu'il sacralise quoi que ce soit33.
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